Cororico ! C’est acté, un peu au doigt mouillé mais le décompte est officialisé par l’ONU alors… La France reste la 1ère destination touristique mondiale avec 100 millions de séjours internationaux enregistrés en 2024. Cette première place mondiale, brandie comme un étendard depuis des décennies, est médiatiquement valorisante même si la réalité économique est plus complexe.
Certes, et encore davantage en année olympique, la France participe activement au mouvement de reprise du tourisme mondial. Avec 1,4 milliard de déplacements touristiques internationaux en 2024, la planète a effacé l’accident de la crise Covid.
Certes, avec ses 100 millions « officiels », la France reste en tête du peloton européen qui a accueilli quelque 750 millions d'arrivées internationales en 2024 (un peu plus qu’en 2019). Mais elle est de plus en plus talonnée par son grand rival, l’Espagne, qui annonce 94 millions de séjours internationaux.
Les esprits chagrins, et ils sont nombreux dès que l’on parle de statistiques, déplorent les méthodes approximatives qui produisent les résultats affichés. On ne peut nier cette cruelle réalité : ce n’est pas en matière de mathématiques touristiques que la France décrochera une prochaine Médaille Fields.
Depuis que l’INSEE a renoncé à faire remonter au niveau national les observations de ses agences locales, le comptage des fréquentations étrangères tient plus de la règle de trois, avec un coefficient approximatif, que du repérage analytique.
Sans une redéfinition réaliste des indicateurs, on considèrera toujours que le routier polonais qui va livrer sa cargaison en Espagne et qui s’arrête un soir dans un relais d’autoroute a le même profil que l’Américain en balade avec son épouse dans les vignobles bordelais.
De toute évidence, notre leadership mondial comme destination désirée par un touriste international est loin derrière l’Espagne, contesté même par les Etats-Unis et bientôt par l’Italie.
En termes de chiffre d’affaires, l’illusion ne tient plus. Destinations finales de longs séjours, les Etats-Unis et l’Espagne nous dament le pion, au-delà des 100, voire 120 milliards d’euros de recettes, quand la France affiche cette année 71 milliards, grâce notamment aux Jeux Olympiques. Même si cela représente un bond de 21% sur 2023, on est loin du compte d’un tourisme à forte valeur ajoutée.
Nous vivons encore en plein paradoxe. Avec son parc d’hôtellerie de plein-air, ses stations familiales, ses villages touristiques et son immense littoral, la France reste une destination accessible au plus grand nombre. Mais la course au volume est-elle notre priorité ?
Dès que l’on rentre dans les métropoles et qu’on franchit les limites de nos places fortes touristiques, Paris, la Côte d’azur, les stations de montagne d’altitude, la facture augmente sérieusement et n’a rien à envier aux hubs internationaux et resorts les plus huppés. Faut-il alors prioriser la quête d’une clientèle à hauts revenus ?
Si les comptes satellites du Tourisme étaient plus précis, l’analyse de notre position réelle et la feuille de route stratégique en seraient plus efficaces.
La valeur ajoutée du tourisme repose essentiellement sur une politique de l’offre. Il faudrait déjà provoquer le choc de l’offre, notamment hôtelière, qui reste désespérément stable depuis des décennies. Il faudrait surtout bien l’orienter vers les segments porteurs.
L’hôtellerie économique familiale se fait tailler des croupières par la location saisonnière qui correspond mieux au comportement et au budget des visiteurs loisirs. Le virage du lifestyle est plutôt bien engagé dans les segments supérieurs qui s’en portent bien.
Dès lors, est-ce que la montée en gamme est la voie universelle ? L’expérience hôtelière peut-elle se décliner dans toutes les catégories ? Qui va dessiner la nouvelle feuille de route de l’investissement hôtelier si les données du marché sont biaisées ou approximatives ?
C’est un débat intéressant, qui alimentera notamment les échanges de notre prochain Operator Forum autour de la transformation des entreprises et des modèles opératoires.